Soirée du 26 novembre à 20h

JACKY CAILLOU

en présence de son réalisateur Lucas Delangle

Et cycle des 2 premiers films de Wong Kar-Wai

AS TEARS GO BY (1988)

NOS ANNÉES SAUVAGES (1990)

JACKY CAILLOU. Dans les Alpes de Haute-Provence, Thomas, alias Jacky Caillou, recueille toutes sortes de bruits et sons naturels pour les intégrer dans ses compositions musicales. Orphelin il a été élevé par sa grand-mère, magnétiseuse à l’abondante clientèle. À l’approche de la mort elle initie son petit-fils dont elle devine les prédispositions, seul héritier, qui s’éveillera à la passion du soin au moment où survient une jeune fille qu’une étrange tâche poilue se propage sur son corps et alors qu’à l’extérieur un loup rôde et sème la mort parmi les brebis.

Le réalisateur avait tourné en 2017 le moyen-métrage documentaire "Du rouge au front" où était déjà présente la magnétiseuse (Edwige Blondiau). Dans ce présent premier long métrage il ose le mélange des genres et flirte avec le fantastique dans la beauté et le mystère des paysages spectaculaires, une chronique d’émancipation mâtinée de conte dans une campagne montagneuse où vivent isolés agriculteurs, éleveurs de brebis, gendarmes…

On ne peut que saluer la prise de risque et la réalisation soignée de ce jeune réalisateur dont le film a fait l’ouverture de la section de L’ACID au dernier festival de Cannes.

Lucas Delangle : "Cette idée me vient du village de la Sarthe où je suis né et où l’on trouve beaucoup de rebouteux. Mon père était le médecin généraliste du coin et il me racontait les histoires de magnétiseurs qu’il entendait et auxquelles il ne croyait pas du tout. Moi, cela me fascinait. J’ai rencontré des magnétiseurs pour faire ce film et j’ai constaté qu’il était récurrent que ce don se transmette de mère à fils ou de père à fille. J’avais envie raconter une histoire intergénérationnelle et j’aimais l’idée que ce soit un jeune homme qui reprenne la « boutique » de sa grand-mère, avec la part de mystère qui accompagne cette transmission.

Je viens d’une famille ultra-rationnelle pour ma part, mais j’ai constaté que la vie ne ressemble pas tout à fait à ce qu’on m’a appris. Je me suis donc ouvert progressivement à cette question de l’invisible. Réussir à filmer l’invisible est pour moi un vrai défi de cinéma. Cela demande une attention au vide entre les gens, aux corps, qui m’a beaucoup apporté dans ma manière de filmer, qui était artisanale. Cela induit un jeu avec la lumière et le son." (Extrait d’une interview faite le 20 mai 2022 à Cannes par Anne-Claire Cieutat, rédactrice en chef de Bande à part)

AS TEARS GO BY (Ainsi vont les larmes) est le premier film de Wong Kar-Wai. Produit d’une commande dans le registre du film de gangsters ce fut son plus grand succès commercial à Hong-Kong. Le film est considéré comme la matrice de toute son oeuvre ultérieur tant il contient en filigrane tous les thèmes qu’il développera ensuite.

Le film est le remake officieux de MEAN STREETS de Martin Scorsese. Wah (Andy Lau) est un petit gangster du quartier de Kowloon à Hong-Kong, chargé du recouvrement de dettes. Une grande amitié le lie à Fly (Jacky Cheung), jeune chien fou, tête brulée, être incontrôlable, endetté, provoquant sans discernement la pègre qui cherche en définitive à l’éliminer. Et Wah , bien que son coeur chavire pour sa belle cousine Ngor (Maggie Cheung) qui tente de le détourner de la spirale de la violence, viendra sans cesse, contre toute raison et sans jamais fléchir, au secours de son ami.

Certes Wong Kar-wai satisfait ici à toutes les conventions du genre, mais ses furieuses embardées urbaines, ses images saccadées, les ralentis des scènes romanesques tout comme celles des agressions entre truands, le ballet des combats, les séquences musicales reprenant des tubes populaires, sa fureur, ses ruptures de ton, sa mélancolie, se conjuguent pour faire de ce coup d’essai un film d’une grande beauté.

NOS ANNÉES SAUVAGES. Le film n’a rien d’une commande comme le précédent. C’est le premier film vraiment personnel de Wong Kar-wai. Dans le Hong-Kong des années 60 il met en scène Yuddy (Leslie Cheung) , un jeune play-boy de 20 ans qui élevé par une courtisane multiplie les conquêtes mais est obsédé par la recherche identitaire de sa mère biologique. Beau gosse, sans occupation, incapable d’attachement, d’une cruauté lascive, les femmes qui lui cèdent sont des corps, jamais des visages. Il refusera d’ailleurs plus tard la vision de son propre visage à sa mère dont il a fini par retrouver le trace aux Philippines, et qui le regarde s’éloigner de sa fenêtre.

Somptueux film d’une errance et d’une fuite en avant d’une beauté plastique sidérante et d’un envoûtement total.

Wong Kar-wai s’est entouré d’une brochette de stars que l’on retrouvera tout au long de sa filmographie future (Maggie Cheung, Andy Lau, Carina Lau, Tony Leung). Le film fut dans un premier temps un échec commercial à Hong-Kong avant d’être reconnu en 1997 comme le meilleur film hongkongais des dix dernières années, aux Golden Bauhinia Awards. L’auteur avait prévu une seconde partie qui ne sera jamais tournée; la fin elliptique et énigmatique du film aurait dû y trouver sa signification…

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