THE SURVIVAL OF KINDNESS de Rolf de Heer (4 séances)

LITTLE GIRL BLUE de Mona Achache (3 séances)

 Après dix ans d’absence, le réalisateur australien Rolf de Heer revient avec un film original et puissant The survival of kindness que l’on peut traduire en français par La survie de la gentillesse.

À l'origine du film, il y a une vision entêtante qui obsède le réalisateur Rolf de Heer. « C'était l'image d'un de mes amis, l'acteur aborigène Peter Djiggir, enfermé dans une cage sur une remorque et abandonné à la mort dans le désert. Pourquoi cette image ? Je n'en sais absolument rien. J'ai donc cette image d'ouverture, j'ai en tête cette période de pandémie. Et puis j'étais horrifié par les déclarations de certains politiciens occidentaux qui se réjouissaient que le Covid tue des Noirs et des personnes de couleur. Et cela me conduit à ce film. »

Au départ rien n’est dit, on est assailli par des images glaçantes, un univers monstrueux. Des hommes et des femmes portant des masques à gaz, les premiers en tenue militaire, les secondes en tenue de soirée. Face à eux une maquette avec des figurines noires enchaînées, suppliciées, des flammes de carton ravagent un village de papier.

Et puis une femme noire enfermée dans une cage, est conduite dans un désert de sable et laissée là. Soleil de plomb, fourmis carnassières sur le métal rouillé, la fin est proche. Mais à la faveur d’une tige de métal tordu la prisonnière parvient à se libérer. Sa survie, désormais, tiendra à sa capacité à contrer la nature, à se protéger de la chaleur comme du froid, à se fondre dans le décor et à croiser les bonnes personnes, en fuite comme elle. Le périple, douloureux, hasardeux, que l’on vit à travers les yeux bouleversés et bouleversants du personnage principal (Mwajemi Hussein) est d’une puissance renversante.

Le travail du réalisateur australien frise la perfection. Quasi sans paroles, sur des images splendides de paysages changeants, The Survival of Kindness nous entraîne dans une échappée belle. On emboîte volontiers le pas de l’héroïne pour fuir cette engeance ricanante qui ouvre le film et semble régner sur la planète ou au moins ce coin du monde (l’Australie sans doute), déshumanisé, sans âge, postapocalyptique. Aux confins de la barbarie.

Le film a obtenu le Prix Fipresci de la critique internationale au Festival de Berlin 2023.

LITTLE GIRL BLUE. Après le décès de Carole Achache par suicide en 2016, sa fille Mona se retrouve avec des  caisses d’archives faites de carnets, photos, manuscrits, enregistrements audio. Dans ce dédale labyrinthique Mona interroge le passé, les relations avec sa mère, les pistes sur les  causes et l’énigme de son suicide. Plus qu’une mère elle découvre en Carole la fille de Monique Lange, éditrice chez Gallimard, scénariste et photographe de plateau (Roberto Rossellini, Henri-Georges Clouzot, Joseph Losey, Claude Sautet, Bertrand Tavernier), romancière, figure du monde intellectuel des années 1950, exclusivement amoureuse d’homosexuels notamment Jean Genet et Juan Goytisolo dont elle fut l’épouse , faux couple, faux père pour Carole.

Film à nul autre pareil, film ovni, hors normes, entre documentaire, fiction, making of et quête initiatique où l’on croise les précédents cités mais aussi, Marguerite Duras, George Semprun, Daniel Cordier, Florence Malraux, Nikos Papatakis et bien d’autres et où Mona a fait incarner sa mère par Marion Cotillard dans un processus de ressemblance totalement bluffant, allant jusqu’à synchroniser ses lèvres sur la voie réelle de Carole Achache.

La chanson Little Girl Blue interprétée par Janis Joplin dans le plan final du film reste longtemps en mémoire.

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