•  

    KANAL et CENDRES ET DIAMANT de Andrzej Wajda

    L'INCINÉRATEUR DE CADAVRES de Huraj Herz

     

    Chacun des 3 films fera l’objet d’une présentation en salle

    Jeudi 21 octobre pour KANAL

    Vendredi 22 octobre pour CENDRES ET DIAMANT

    Samedi 23 octobre pour L’INCINÉRATEUR DE CADAVRES

     

     

    Andrzej Wajda est considéré comme l’un des plus grands  réalisateurs polonais. Il est né en 1926 à Suwalki et décédé en 2016 à Varsovie. Il est né d’une mère institutrice et d’un père officier qui fut l’un des 22 000 officiers polonais assassinés en 1940 lors du massacre de Katyn perpétré par les soviétiques et camouflé en crime de guerre allemand. 2 ans plus tard, à l’âge de 16 ans Andrzej s’engage dans la résistance.

     

    Après la guerre il étudie à l ‘Académie des Beaux-Arts à Cracovie puis à l’École Nationale de Cinéma de Lodz, fameuse institution qui verra passer comme étudiants Kieslowski, Polanski, Skolimowski, Zanussi.

     

    Dès son premier film en 1955 Une fille a parlé il rompt avec les canons du réalisme socialiste prôné par le parti communiste. Le succès de ses deux oeuvres suivantes que nous vous présentons dans ce cycle Kanal (Ils aimaient la vie) (1957 - Prix spécial du jury à Cannes) et Cendres et diamant (1958) le propulsent dans la notoriété qui ne le quittera plus. 

     

    Il est d’évidence difficile de faire le tri parmi ses 30 longs métrages, 8 oeuvres pour la télévision et 7 documentaires. On notera toutefois la production des années 70 avec une suite de films remarquables adaptés de chefs-d’oeuvre de la littérature polonaise: Le bois de bouleaux (1970), Les noces (1972), La terre de la grande promesse (1974), Les demoiselles de Wilko (1979).

     

    Au tournant des années 80, proche de Solidarnosć, il se liera d’amitié avec Lech Walesa. Dans son diptyque L’Homme de marbre (1977) et L’Homme de fer (1981 - Palme d’or à Cannes) il critique le stalinisme et évoque une Pologne en crise aspirant à la liberté et à la démocratie.

     

    Pendant l’État de siège (décembre 1981 - juillet 1983) il tournera plusieurs films à l’étranger dont Danton en 1983 avec Gérard Depardieu. Après la chute du communisme il revient à des sujets historiques polonais avec des oeuvres toutefois moins réussies et décevantes. Parmi elles en 2007 Katyn où il revient sur le massacre qui a coûté la vie à son père.  Son dernier film Les fleurs bleues en 2016, comme testamentaire, est consacré à la biographie de Wladyslaw Strzemiński, peintre d’avant-garde en lutte contre le pouvoir stalinien.

     

    Andrzej Wajda a participé dès 1950 au renouveau du cinéma polonais. Son oeuvre est faite de puissantes fresques aux accents épiques, au ton romantique, loin de la propagande du réalisme socialiste. C’est un artiste profondément humaniste. Il puise son inspiration dans l’Histoire nationale polonaise où se côtoient aspirations individuelles et engagement politique. Il questionne le culte de l’héroïsme, dénonce la bêtise, la haine, le mépris et la compromission politique. 

     

    Kanal (Ils aimaient la vie) - 1957 

    Semaine du 20 au 26 octobre 2021: cycle cinéma polonais (Andrzej Wajda) et tchèque (Juraj Herz)



    Kanal (They Loved Life) Bande-annonce VO

     

    C’est le premier grand film de Andrzej Wajda. Nous sommes en 1944, c’est l’insurrection de Varsovie. Acculés, épuisés, et encerclés par les Allemands, un détachement de soldats et résistants est contraint de fuir par les égouts (Kanal en polonais) pour rejoindre le centre-ville où les combats se poursuivent encore. Tous ont une histoire, tous ont peur de mourir, tous ont tellement envie de vivre.

     

    La première partie du film narre, avec une louable économie de moyens, les combats désespérés menés par un groupe de résistants dans une Varsovie laminée par les bombardements allemands. L’ennemi est rarement filmé, et le réalisateur excelle à dépeindre ce mélange paradoxal de combativité, de découragement, de solidarité et de peur, qui atteint un microcosme représentatif de la résistance polonaise (deux couples, un compositeur, l'officier qui commande la compagnie). La seconde partie, d’une noirceur totale, relate la fuite dans les égouts. La tonalité tant naturaliste que surréaliste est saisissante, et un superbe noir et blanc crée à merveille une sensation d’étouffement. Wajda ne cherche pas les effets : si la partition musicale est d’un beau lyrisme expressionniste, elle ne surligne jamais l’action ; si les drames individuels rejoignent le malheur collectif, jamais la mise en scène ne verse dans le misérabilisme et l’émotion facile. Wajda est également subtil dans ses métaphores politiques : la dislocation des membres qui se perdent dans les égouts symbolise la déstabilisation de l’unité nationale, et l’inactivité des Soviétiques, jamais évoquée explicitement, n’en est que plus évidente. Les troupes soviétiques, que ces insurgés percevaient comme un autre envahisseur, resteront stationnées sur l’autre rive de la Vistule, Staline attendant que l’insurrection soit matée.

     

    Le film n’est pas un panégyrique de la résistance en dressant le portrait on ne peut plus noir d’une révolte écrasée. Cette vision amère et désenchantée lui vaudra de vives critiques en son pays, alors que le film obtient le Prix du Jury cannois.

     

     

    Cendres et diamant -1958

    Semaine du 20 au 26 octobre 2021: cycle cinéma polonais (Andrzej Wajda) et tchèque (Juraj Herz)


    Cendres et Diamant Bande-annonce VO

     

    Le titre du film est emprunté d’un poème du polonais Cyprian Norwid (1821- 1883) : « Ne restera-t-il que les cendres et le tumulte de la tempête dans les abîmes? Ou bien l’éclat d’un diamant brillera-t-il entre les cendres… »

     

    Le film est l’adaptation du roman éponyme d’un des plus grands auteurs polonais de l’après guerre Jerzy Andrzejewski. Le roman rendait la complexité de l’époque et exprimait le souhait d’une réconciliation nationale. 

     

    Nous sommes en mai 1945. L’occupation allemande vient de s’achever pour laisser la place à quelque chose de nouveau qu’on ne peut encore nommer. Maciek, soldat de l’Armée de l’intérieur, reçoit l’ordre de tuer le dirigeant communiste Szczuka venu mettre en place un gouvernement civil. La première tentative est un fiasco; un innocent est tué. Le reste de l’action se déroule presque entièrement dans un petit hôtel où séjournent l’assassin et sa cible. Maciek parviendra-t-il à tuer Szczuka dont l’ordre lui a été réitéré alors qu’il en perd peu à peu la volonté? Après tout la guerre est terminée. Et puis il vient de faire la rencontre brève mais intense d’une barmaid qui comme lui est déconcertée par la fin de l’Occupation, l’avènement de la paix et ses conséquences. Liaison qui donne à Maciek de nouvelles raisons d’hésiter…..

     

    Histoire d’amour et récit d’un meurtre? Le sujet est plus vaste, celui d’une Pologne seule face à elle-même après le gâchis des années de guerre. Tout avait changé depuis l’avant-guerre, le système politique, la hiérarchie des valeurs morales, les principes patriotiques, les systèmes économiques et sociaux.

     

    Maciek représente l’idéalisme de la jeunesse contaminé par la mort et l’innocence brutale. Il porte en lui le mystère de la génération de ceux qui ont mûri trop vite dans une lutte sanglante. Ce personnage magnifiquement interprété par Zbigniew Cybulski est devenu une légende pour les jeunes des années 50 et 60; considéré comme le James Dean polonais, il devait mourir tragiquement à l’âge de 39 ans dans un accident ferroviaire à Wroclaw en sautant d’un train en marche. 

     

    Cendres et diamant allait faire d’Andrzej Wajda l’une des grandes figures du cinéma mondial. L’accord de la critique et du public alla au-delà de la reconnaissance pour atteindre la vénération. Seul l’accueil des autorités et des critiques « officiels » fut marqué par la froideur. Les autorités s’opposèrent dans un premier temps à la projection du film à l’étranger. C’est par hasard qu’il fut présenté au Festival de Venise dans une section parallèle. On le considère comme le plus grand film polonais jamais réalisé. Les autorités finirent par se ranger à cet avis….

     

    _______________

     

    L’incinérateur de cadavres , de Juraj Herz - 1968

    Semaine du 20 au 26 octobre 2021: cycle cinéma polonais (Andrzej Wajda) et tchèque (Juraj Herz)



    L'Incinérateur de cadavres Bande-annonce VO

    Le réalisateur: 

     

    Juraj Herz est né en 1934 dans la famille d’un pharmacien juif de la ville de Kežmarok en Tchécoslovaquie, actuellement la Slovaquie.. En 1939, son père cherche le moyen pour protéger ses proches contre la déportation et toute la famille se convertit au protestantisme. Cela n'empêchera finalement pas la famille d'échapper au sort des autres Juifs. L’enfant qui vers la fin de la guerre n’a que dix ans passe successivement par trois camps d’extermination, Auschwitz, Ravensbrück et Sachsenhausen. Il est témoin et victime des pires atrocités et ce n’est que par miracle qu’il en réchappe. Il évoquera ses épreuves beaucoup plus tard dans son film « Je fus surprise par la nuit» situé en grande partie dans le camp de Ravensbrück.

     

    Adolescent, il apprend d'abord l'art de la marionnette avant d'opter pour le cinéma. D’abord assistant de réalisateurs renommés, il signe son premier long-métrage en 1966 mais c’est en 1968 qu’il s’impose définitivement dans le cinéma tchèque en portant à l’écran le roman L’Incinérateur de cadavres de Ladislav Fuks. Elan qui sera stoppé après l'arrivée des chars soviétiques et la "normalisation" qui s'ensuivit. Le film restera interdit pendant des années.

     

    Tombé en disgrâce, Juraj Herz réussit à travailler dans les années de la normalisation, entre 1970 et 1987, malgré la surveillance voire l’hostilité des autorités . Malgré les compromis, il réalisera quelques-uns des meilleurs films du cinéma tchécoslovaque de cette période notamment Lampes à pétrole adapté du roman de Jaroslav Havlíček.

     

    En 1987, sa patience à bout, il décide de s’exiler en Allemagne et travaillera à Munich pour les studios allemands sans en retirer grande satisfaction.

     

    Après la chute du régime communiste en 1989, Juraj Herz retourne dans son pays et poursuit son œuvre de cinéaste. En 1994 et 1996 il collabore entre autres avec la télévision française et signe deux épisodes de la série des Maigret avec Bruno Crémer dans le rôle principal. Sa filmographie s’arrête en 2010 avec la coproduction germano-tchèque Le moulin d’Habermann , une œuvre qui suscite des controverses car elle évoque la coexistence difficile des Tchèques et des Allemands dans les Sudètes. 

     

    Le film: 

     

    Soit Kopfrkingl, physique rondouillard, sans aspérités, le cheveux gras, la mèche plaquée, bon bourgeois et bon père de famille, sentimental, rêveur, poète, employé modèle. Il travaille au crématorium de Prague. Que ce soit en famille ou avec des amis il ne cesse de vanter les bienfaits de la crémation citations du Livre des mort tibétains à l’appui et la beauté des âmes qui se purifient en s’évaporant…..

     

    Mais voilà, on est en 1938. Un ami nazi le convainc qu’il a du sang allemand dans les veines et il voit là l’explication de cette distance qu’il semble éprouver avec ses compatriotes. Lorsque la Tchécoslovaquie est envahie par les allemands son obsession de la purification par le feu trouvera à s’employer pour une toute autre cause. Un film glaçant, une farce macabre, où comment un bourgeois exemplaire se convertit totalement à l’idéologie du IIIe Reich.

     

    Le film est d’une grande maîtrise de mise en scène et de montage parfois empreint d’effets à la limite du surréalisme. On notera:

    •  - le visage figé de Kopfrkingl qui se déchire pour laisser apparaître le générique;
    •  - l’amoncellement en papier découpé de bouts de corps de femmes, de mains, de visages, d’yeux comme pour nier l’humain dans son entièreté;
    •  - la dissociation du son et de l’image;
    •  - des bribes de corps filmés en gros plans;
    •  - des inserts d’images quasi subliminaux;
    •  - une bande-son noyée de choeurs religieux;
    •  - la blancheur des décors et des contrastes très poussés;
    •  - des objectifs déformants, des perspectives truquées.

    On ne saurait trop vous recommander cet oeuvre majeure, unique, bizarre, sorte de comète dans le cinéma tchèque. Que ce soit par lâcheté ou par intérêt, ce petit monde fait d’individus médiocres, serviles, ayant abdiqué tout sens moral a nourri par son inaction ou sa participation plus ou moins active le monstre totalitaire. Vision qui n’est pas sans faire écho à celle développée par Hannah Arendt dans son livre Eichmann à Jérusalem: Rapport sur la banalité du mal.

     

     

     

     

    Pour les jours et horaires des projections consulter le programme du cinéma Victoria notamment sur  cinemavictoria.fr

    Partager via Gmail

    votre commentaire