• LA MAMAN ET LA PUTAIN,

    de Jean Eustache

    Semaine du 13 au 19 juillet 2022



     

    Oeuvre-phare, diamant noir, film culte du cinéma d’auteur des années 70 LA MAMAN EST LA PUTAIN reçut en 1973 le Grand Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes malgré l’opposition de sa Présidente Ingrid Bergman choquée des propos crus des dialogues. Sélectionnée dans la même compétition cette année-là, LA GRANDE BOUFFE de Marco Ferreri créa un scandale comparable.

    Un film-fleuve de 3h40 au résumé pourtant simple. Alexandre (Jean-Pierre Léaud), intellectuel désœuvré, sans ressources, vit avec et aux crochets de Marie (Bernadette Lafont), une boutiquière de mode. Il aime encore une étudiante (Isabelle Weingarten) qui refuse sa demande en mariage et dans la foulée accoste Veronika (Françoise Lebrun), infirmière à l’Hôpital Laennec. Marie acceptera, non sans réticence, de partager Alexandre avec elle.

    Jean Eustache a voulu faire le récit d’une éducation sentimentale et humaine très proche d'À la recherche du temps perdu de Marcel Proust. Ce n’est pas un hasard si l’étudiante s’appelle Gilberte et qu’Alexandre lit le roman proustien à la table des cafés (c’est le seul endroit où il dit pouvoir lire).

    Comment Alexandre évolue entre une femme qui le couve et une autre qui le trouble, entre une vraie maman (amoureuse traditionnelle, romantique, tolérante mais encore quelque peu possessive) et une fausse putain (image de la révolution féministe appelant à une liberté sexuelle totale, tant physique que verbale, rejetant toute soumission à la puissance du mâle)? Tournée en 1972, cette histoire post-soixante-huitarde est un véritable miroir de la société d’alors. Encore à quelques encablures des idéaux de la libération sexuelle de mai 68 on est déjà face à un désenchantement, une remise en cause de certaines utopies sentimentales.

    Les scènes prennent place en quelques lieux dans un périmètre parisien restreint, une chambre d’appartement, une autre d’infirmière à l’hôpital, celle d’un ami qui écoute une chanteuse ersatz de Marlène Dietrich et collectionne de vieux albums sur les nazis, une arrière-boutique de fringue, les salles et terrasses de cafés légendaires (Les deux magots, Le Flore, La Coupole), le restaurant Le Train bleu de la gare de Lyon.

    On parle beaucoup dans La Maman et la Putain, longue série de dialogues, souvent en plans séquences et fixes. On y parle de ses états d’âmes et des problèmes de l’air du temps (la Nouvelle Société de Chaban-Delmas, Jacques Duclos, le PCF, Jean-Paul Sartre et le tonneau sur lequel il haranguait les ouvriers à Boulogne-Billancourt, le MLF, le cinéma italien et ses lourdes fictions de gauche, le cinéma de Murnau et de Nicolas Ray) mais avec des conventions de langage d’un autre temps: le vouvoiement est de mise entre Alexandre et Marie, entre Alexandre et Véronika, alors que les deux femmes se tutoient. On écoute aussi des chansons dans leur durée complète, Damia, Fréhel, Piaf, choix d’une nostalgie assumée. On boit et on fume beaucoup. On lit Le Monde. On s’habille de vestes à larges revers, de pantalons à pattes d’éléphant, de foulards.

    Un trio d’acteurs époustouflant, Jean-Pierre Léaud, Bernadette Lafont, Françoise Lebrun. Ils disent les textes écrits, très écrits, de Jean Eustache. Celui-ci avait exigé de ses acteurs que les textes soient parfaitement appris et pour des raisons financières que les scènes ne soient filmées qu’une seule fois. Vous jugerez, notamment l’extraordinaire monologue d’une quinzaine de minutes de Françoise Lebrun sur la fin du film.

    Un film inépuisable, un film monde, un film témoin du tourment et de la souffrance amoureuse. Oeuvre inégalée.

     

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