• L’ENFANT

    De Marguerite de Hillerin Félix Dutilloy-Liégeois

     

    Semaine du 6 au 12 juillet 2022



    Décidément Kleist inspire les cinéastes, Eric Rohmer et sa « Marquise d’O »,  puis, quelques décennies plus tard Arnaud des Pallières avec « Michaël Kohlhaas ». Marguerite de Hillerin et Félix Dutilloy-Liégeois (24 ans au moment du tournage) adaptent une courte nouvelle  « L’enfant trouvé » (appartenant au recueil « Contes ») qu’ils transposent au Portugal.

    Au 16e siècle, une riche demeure entourée d’une nature luxuriante, celle de  marchands lisboètes très prospères. Tout semble ici à sa place, géographiquement et socialement, un riche mariage est prévu pour Bela, le fils adoptif de la maison. Cette fausse harmonie se dissipe extrêmement vite, Bela est amoureux d’une servante, Rosa, et compte s’enfuir avec elle.

    A partir de là, les auteurs vont s’employer à dynamiter, pour le meilleur et pour le pire, cet ordre conventionnel et bien moins immuable qu’il n’y paraît. Bela, presqu’encore adolescent, découvre que son histoire familiale est différente de ce qu’il a pu en entendre (d’ailleurs lui en-a-t-on parlé ? C’est peu probable). Des comportements dont il est témoin, des récits allusifs, de la découverte d’un tableau dissimulé, des confidences parcellaires d’un ami de la famille, Bela peine à faire le lien entre ces éléments. A chaque personnage est alors offert un espace de liberté et d’individualité, ouvrant ainsi de multiples brèches et ellipses dans le récit, toutes aussi attractives les unes que les autres. Ils occuperont désormais une place bien différente dans le jeu social et familial. Ce qui n’est pas sans renvoyer à des problématiques très actuelles, comme la recherche des origines par exemple.

    Sur ce petit monde cadenassé veille l’Eglise toute puissante et son bras droit de l’époque, l’Inquisition, d’où une autre lecture possible, plus politique. Face à la rigidité des convenances, chaque individu va se métamorphoser, révéler des facettes cachées, positives ou négatives, prendre de l’épaisseur en quelque sorte.

    Au centre du récit, le jeune Bela est la première victime de ce remaniement, qui chamboule à la fois son passé, tissu de non- dits plus que de mensonges, et son avenir. Ce n’est pas un hasard si Marguerite de Hillerin et Félix Dutilloy-Liégeois ont créé un personnage qui n’existait pas dans la nouvelle, celui de Jacques, ami de la famille, par qui le scandale arrive, interprété par Loïc Corbery.

    Sous des allures feuilletonnesques, mais peu mélodramatiques finalement, avec son content de révélations et de tragédies qui évoquent parfois le beau film de R.Ruiz « Les mystères de Lisbonne », « L’Enfant » est une œuvre rigoureusement construite rappelant que Kleist fut aussi un grand auteur de théâtre.

     

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